Conversion à l’éthanol : prudence !

Le carburant superéthanol E85 attire de plus en plus d’automobilistes, et pour cause : composé à 85% de biocarburant, il est plus écologique que les carburants classiques et, surtout, bien plus économique.

Si les constructeurs automobiles proposent désormais des véhicules neufs compatibles au superéthanol, beaucoup d’automobilistes font le choix de convertir leur ancien véhicule pour « passer à l’éthanol ».

A ce titre, il n’est pas rare que deux solutions techniques soient proposées à l’usager :

  • Soit la pose d’un boîtier ;
  • Soit la reprogrammation du moteur.

Moins coûteuse que la pose d’un boîtier homologué, la reprogrammation du moteur paraît pour beaucoup être la solution idéale.

C’est probablement tout le contraire.

I. L’installation d’un dispositif de conversion

L’arrêté du 30 novembre 2017, modifié par arrêté du 19 février 2021, définit les conditions d’homologation et d’installation des dispositifs de conversion des véhicules à motorisation essence en motorisation à carburant modulable essence – superéthanol E85.

L’article 3 de cet arrêté fixe les prescriptions administratives applicables à l’installation des « dispositifs de conversion», plus communément appelés « boîtiers » ou « kit » éthanol.

D’une part, le dispositif doit avoir été homologué, à la demande du fabricant, par le Centre national de réceptions des véhicules

D’autre part, le boîtier ne peut être installé « que par un installateur, présent sur le territoire français, habilité par le fabricant ». Autrement dit, seuls les installateurs agréés peuvent légalement installer le kit de conversion.

A l’issue de l’opération d’installation du dispositif de conversion, l’installateur fournit à l’automobiliste le procès-verbal d’agrément de prototype et un certificat de conformité, afin de lui permettre de faire les démarches en vue de la modification de la carte grise du véhicule.

En effet, par application de l’article R. 322-8 du code de la route, le certificat d’immatriculation du véhicule doit être modifié en conséquence (la mention « ES » (essence) doit être remplacée par la mention « FE » (bicarburation superéthanol E85/essence)).

L’arrêté du 30 novembre 2017 précise que le fabricant garantit la préservation de l’intégrité des moteurs, réservoirs, circuits d’alimentation, des systèmes de post-traitements des émissions de polluants et de toute pièce susceptible d’être en contact avec du carburant E85, du véhicule sur lequel est installé un dispositif de conversion qu’il commercialise.

Le fabricant est par ailleurs tenu d’assumer la responsabilité d’une détérioration éventuelle d’une pièce en contact avec le biocarburant.

Ainsi, cet arrêté fixe très précisément les conditions dans lesquelles un véhicule peut être converti pour circuler à l’éthanol E85. Il offre par ailleurs une garantie et une sérénité aux automobilistes, qui pourront se retourner contre le fabricant en cas de déconvenues.

II. La reprogrammation du moteur

La conversion d’un véhicule à l’éthanol par la reprogrammation de son moteur n’est pas envisagé par les textes.

Aucun texte n’interdit de manipuler et de modifier le moteur d’un véhicule.

Il est donc admis que la reprogrammation du moteur n’est pas, en elle-même, une manipulation illégale.

Néanmoins, la reprogrammation du moteur consiste à en modifier les paramètres de fonctionnement.

Or, l’article R. 322-8 du code de la route dispose que :

« I. – Toute transformation apportée à un véhicule soumis à immatriculation et déjà immatriculé, qu’il s’agisse d’une transformation notable ou de toute autre transformation susceptible de modifier les caractéristiques indiquées sur le certificat d’immatriculation, nécessite la modification de celui-ci. Pour maintenir la validité du certificat d’immatriculation, le propriétaire doit adresser au ministre de l’intérieur par voie électronique une déclaration dans le mois qui suit la transformation du véhicule. Le propriétaire peut circuler à titre provisoire, pendant une période d’un mois à compter de la date de la déclaration, sous couvert d’un certificat provisoire d’immatriculation. 
[…]»

Ainsi, toute transformation notable d’un véhicule, ou susceptible d’en modifier les caractéristiques indiquées sur la carte grise, nécessite la modification du certificat d’immatriculation.

S’il n’est pas certain que la reprogrammation du moteur soit une « transformation notable », il ne fait en revanche aucun doute que la conversion d’un véhicule à l’éthanol modifie les caractéristiques indiquées sur la carte grise.

Dès lors, la carte grise doit être modifiée.

On l’a vu, pour l’installation d’un dispositif de conversion homologué, l’automobiliste n’aura qu’à fournir les documents qui lui auront été remis par l’installateur (procès-verbal d’agrément de prototype et certificat de conformité).

En revanche, pour ce qui est d’une reprogrammation du moteur, aucun document ne sera remis à l’automobiliste, qui n’aura d’autres choix que de solliciter de la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) une Réception à Titre Isolé (RTI) du véhicule.

Il s’agit d’une procédure tendant à faire homologuer le véhicule et attester de sa conformité au regard des réglementations concernant les exigences techniques applicables pour la sécurité et les émissions de véhicules.

L’automobiliste devra donc effectuer les démarches administratives en ce sens et s’acquitter des frais qui varient en fonction des vérifications à effectuer, sans certitude d’obtenir l’attestation d’homologation.

A défaut de modification du certificat d’immatriculation après une reprogrammation du moteur, le véhicule ne pourra bien évidemment plus circuler sur la voie publique.

En outre, l’automobiliste pourrait perdre le bénéfice des garanties commerciales attachées à son véhicule.

Par ailleurs, les compagnies d’assurances sont susceptibles d’exclure en tout ou en partie leurs garanties en cas de sinistres, notamment s’il est révélé que les caractéristiques du véhicule ne sont pas identiques à celles figurant sur le certificat d’immatriculation.

Il en résulte que, si la reprogrammation du moteur est plus avantageuse d’un point de vue financier, elle s’avère particulièrement risquée d’un point de vue juridique.

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Par Jérémy Delaunay